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Pierre Bleuse et Musika Orchestra Academy

06 novembre 2016
Hubert Stoecklin
http://blog.culture31.com/2016/11/06/pierre-bleuse-et-musika-orchestra-academy/

http://www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-toulouse-halle-aux-grains-le-23-octobre-2016-piotr-illich-tchaikovski-1840-1893-romeo-et-juliette-symphonie-pathetique-camille-saint-saens-1835-1921-deuxieme-conce/

« Dès le début, la très belle ouverture de Roméo Juliette a été d’une fougue incroyable, elle a embrasé tout l’orchestre. La concentration obtenue était considérable et dura tout le long du concert ; il est rare de voir des violonistes assis si avant sur leur chaise jouant comme si leur vie en dépendait. […] Pierre Bleuse a su créer un son d’orchestre étonnement mature et le résultat en huit jours est admirable. […] Le pianiste, Louis Schwizgebel, a été éblouissant et a su rentrer instantanément dans cette même qualité d‘émotion. »

En une semaine, le pari du chef Pierre Bleuse avec Musika Orchestra Akademy est de leur permettre d’offrir au public un vrai concert à la Halle-Aux-Grains avec au programme des oeuvres très connues. L’Académie qui a débuté le week-end précédant le concert, a permis la rencontre de jeunes musiciens de toute l’Europe, tous en fin d’études, et des autres professionnels des métiers de l’orchestre comme des régisseurs, ingénieurs du son, producteurs et administrateurs. Il s’agit en fait d’un concept original : une école européenne des métiers de l’orchestre crée en 2014. Cette troisième édition a permis la rencontre avec un pianiste de grand talent encore peu connu mais promis à un très grand avenir : Louis Schwizgebel. Pierre Bleuse a su créer un son d’orchestre étonnement mature et le résultat en huit jours est admirable.
Le meilleur pour les jeunes, tout simplement !
Le programme comportait trois oeuvres exigeantes : l’Ouverture de Roméo et Juliette, la sixième Symphonie dite Pathétique de Tchaïkovski et le deuxième Concerto pour piano de Saint-Saëns à la virtuosité débridée. Dès le début, la très belle ouverture de Roméo Juliette a été d’une fougue incroyable, elle a embrasé tout l’orchestre. La concentration obtenue était considérable et dura tout le long du concert ; il est rare de voir des violonistes assis si avant sur leur chaise jouant comme si leur vie en dépendait. Les thèmes si riches, les nuances si extrêmes, le tempo fermement tenu avec une grande liberté de chanter… permettent une totale expression des sentiments des jeunes héros. Le chef Pierre Bleuse permet à chaque musicien de s’exprimer et de donner toute sa passion. Les cuivres ont un peu été ivres de leur splendeur sonore… Ils apprendront, surtout les gros cuivres, à maîtriser leurs immenses moyens. Nous avons entendu un grand orchestre romantique qui a permis des envols hauts et puissants. Ainsi dans le thème final comme un absolu à porté de main, mais qui échappera in extremis dans un roulement de timbales étourdissant. Beaucoup d’émotions ont ainsi été partagées dès la première oeuvre du programme.
L’installation du piano qui monte de terre est toujours un beau moment à la Halle-Aux-Grains. Le pianiste, Louis Schwizgebel, a été éblouissant et a su rentrer instantanément dans cette même qualité d‘émotion. Le deuxième Concerto pour piano de Saint-Saëns est tout dédié à la virtuosité du soliste et exige de l’orchestre des qualités d’accompagnement à l’équilibre délicat et des moments chambristes d’une grande subtilité.
Louis Schwizgebel, Pianist Photo: Marco Borggreve
Dès sa première et somptueuse intervention solo, Louis Schwizgebel est magistral. La puissance et l’élégance mêlées. Comme enthousiasmé par cette excellence, Pierre Bleuse a obtenu de son orchestre des accords pleins et expressifs avant de laisser le hautbois chanter avec le piano. Le tapis délicat des cordes, la subtilité des cors, ont ensuite ensorcelé le public par une fusion complète avec le pianiste. Puis le dialogue a été vivant, émouvant et éblouissant de vérité. Un pianiste, toutes oreilles ouvertes, des musiciens d’orchestre, comme fascinés et un chef, laissant circuler cette musicalité partagée en la stimulant de sa délicate gestuelle ou tenant le tempo avec rigueur.
Le premier mouvement a passé comme un rêve éveillé en forme d’avenir radieux. Le deuxième mouvement est plein d’esprit et sonne comme un scherzo de Mendelssohn. L’humour partagé entre le pianiste et l’orchestre a parfaitement fonctionné dans le thème comme déhanché et un peu canaille passant du piano à l’orchestre en des allers retours virtuoses. Le piano dans une virtuosité de dentelles, les interventions solistes des instruments de l’orchestre et le dialogue avec la timbale, …. tout ceci est exquis et s’évanouit dans des notes pianissimo comme irréelles. Le final a presque semblé diabolique, fuyant à toute allure. Pierre Bleuse a tenu ses troupes complètement à l’écoute du soliste, lui-même branché sur tout ce qui l’entoure. Ce mouvement d’une suprême difficulté, brillant et galvanisant a mis en valeur les extraordinaires qualités du pianiste, du chef et des instrumentistes de l’orchestre par une cohésion absolue de chaque instant, laissant loin l’idée d’une virtuosité gratuite et pourtant quels doigts a Louis Schwizgebel ! Il sait être brillant, plein d’esprit et profond à la fois, avec une capacité à rendre musicaux tous les mouvements de ce concerto si rarement donné tant il est truffé de difficultés.
Le triomphe a été prodigieux et Louis Schwizgebel a offert au public en bis, une adaptation de Ständchen, un beau lied de Schubert, en des qualités de liquidité chantante d’une rare poésie.
Un compte rendu sur l’enregistrement de ce concerto de Saint-Saëns et du fameux concerto l’Egyptien est à lire sur Classiquenews.com
Pour terminer le concert, la « Pathétique » de Tchaïkovski a donné le frisson à toute la Halle-aux-Grains. Le romantisme a irradié en ses excès les plus beaux.

 

Les cordes ont été somptueuses avec des violons lumineux jusque dans les enfers de la douleur, des violoncelles et des altos d’une beauté ténébreuse des plus émouvantes. Les contrebasses ont été un piller d’une force incroyable avec une beauté sonore de chaque instant. Les bois d’une belle personnalité et d’une émotion à fleur de souffle, les cors très délicats et de présence entêtante. Seuls les cuivres et les percussions ont été trop présents dans ce grand vaisseaux de la Halle-Aux-Grains dont l’acoustique les met toujours très en dehors. Pierre Bleuse a été magistral d’énergie et de musicalité libérée. Son bonheur à diriger égalant celui des musiciens à jouer sous sa baguette. Il nous l’avait dit dans un entretien récent devant notre interrogation sur un programme si complexe à monter en huit jours … Nous lui laisserons le mot de la fin : Il faut simplement le meilleur pour les jeune (Lire notre entretien avec Pierre Bleuse) . Ce chef nous prouve ce soir qu’il a tout compris.

 
Compte-rendu, concert. Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 23 octobre 2016. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Roméo et Juliette, ouverture Fantaisie ; Symphonie n°6, «Pathétique» ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto n°2 pour piano ; Louis Schwizgebel, piano ; Musika Orchestra Academy ; Pierre Bleuse, direction.

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